
En Éthiopie, le soin ne commence pas par une promesse. Il commence par une présence. Par la manière d’habiter son corps dans un territoire ancien, façonné par les hauts plateaux, la sécheresse, la poussière, le vent et la lumière. Les femmes éthiopiennes prennent soin d’elles avec ce qui est là, ce qui dure, ce qui a fait ses preuves dans le temps. Le soin n’est pas une performance. Il est une continuité.
⟡ Une terre ancienne, des gestes situés
Parler du soin en Éthiopie impose d’emblée une nuance essentielle : il n’existe pas une pratique unique, mais une pluralité de gestes liés aux territoires, aux ressources disponibles et aux modes de vie. Hauts plateaux tempérés, zones semi-arides, régions volcaniques ou vallées agricoles : chaque environnement façonne une manière particulière de prendre soin du corps.
Ce qui relie ces pratiques n’est pas une recette commune, mais une même attention : protéger le corps avant de chercher à l’embellir, préserver avant de transformer.
⫷⫸ L’eau, le corps, la régularité
Le premier geste de soin est le plus simple. Quand l’eau est accessible, le corps est lavé régulièrement, sans excès, sans accumulation. La propreté est une valeur centrale, mais elle ne s’accompagne pas d’une multiplication de produits.
Des savons solides, sobres, souvent à base d’huiles végétales, sont utilisés pour le corps, les mains, parfois les cheveux. Ils lavent sans mise en scène. Ils accompagnent le quotidien, sans chercher à parfumer durablement la peau ni à en modifier l’apparence.
Le soin commence ici : dans la régularité, pas dans la sophistication.
✧ Nourrir sans transformer
Lorsque la peau ou les cheveux ont besoin de protection, les femmes éthiopiennes se tournent vers des matières grasses simples, connues et accessibles. Il n’y a pas d’accumulation, ni de superposition.
Parmi les huiles végétales les plus couramment utilisées, on retrouve :
- 🌿 L’huile de ricin (Ricinus communis), appliquée sur les cheveux ou le cuir chevelu pour assouplir, protéger et limiter la sécheresse.
- 🌿 L’huile de sésame (Sesamum indicum), présente depuis longtemps dans la région, utilisée pour la peau, le massage et la protection contre le dessèchement.
- 🌿 L’huile de nigelle (Nigella sativa), connue pour ses usages corporels et de massage, intégrée au soin quotidien sans ritualisation excessive.
Lorsque des beurres végétaux ou des graisses issues de la transformation alimentaire sont disponibles, ils peuvent également être utilisés pour protéger la peau du vent, du soleil et de la poussière. Ces matières nourrissent sans promettre. Elles accompagnent le corps tel qu’il est.

❋ Les cheveux tenus, jamais contraints
Les cheveux occupent une place importante, mais rarement spectaculaire. Ils sont considérés comme une matière vivante, sensible au climat et au toucher.
Dans le quotidien, ils sont le plus souvent :
- 🌿 tressés de manière simple,
- 🌿 regroupés pour éviter les nœuds et la casse,
- 🌿 couverts par un voile ou une étoffe selon les contextes culturels et religieux.
Le démêlage se fait lentement, souvent à la main, parfois avec une huile végétale. La traction est évitée. Le geste est transmis, plus qu’expliqué.
Le soin des cheveux repose sur la patience et la protection, jamais sur la contrainte.
⌘ La terre pour équilibre
Dans plusieurs régions d’Éthiopie, des argiles locales et matières minérales sont utilisées depuis longtemps pour accompagner l’hygiène corporelle. Elles servent à nettoyer la peau, à absorber l’excès de sébum, à apaiser le corps exposé aux éléments.
Ces argiles ne sont pas appliquées pour embellir, mais pour rétablir un équilibre. Elles relient le corps à la terre, sans artifice.

⌘ Les plantes qui veillent sur l’espace
Certaines plantes n’agissent pas directement sur le corps, mais sur l’environnement dans lequel il évolue. Les résines aromatiques et les plantes utilisées en fumigation occupent une place importante dans le quotidien et la vie spirituelle.
Parmi elles, l’encens issu des Boswellia, originaire de la Corne de l’Afrique, est largement utilisé pour purifier l’espace, accompagner la prière, marquer des moments de vie.
Ces gestes prennent soin du lieu, du rythme, de l’atmosphère. Ils rappellent que le bien-être ne s’arrête pas à la surface du corps.
✦ Ce qui se transmet sans mode d’emploi
Les femmes éthiopiennes ne transmettent pas des recettes figées ni des routines universelles. Elles transmettent une manière d’être avec le corps : attentive, sobre, ajustée.
Ce qui se transmet, ce sont des gestes mesurés, une capacité à faire avec ce qui est disponible, une fidélité au temps long. Le soin devient alors un langage silencieux, partagé entre générations.

✦ Tenir dans le temps
Prendre soin en Éthiopie, ce n’est pas chercher à atteindre un idéal. C’est apprendre à durer.
Dans un monde qui pousse à la transformation permanente, ces gestes rappellent une autre voie : celle d’un soin qui soutient, protège et respecte le corps tel qu’il traverse les saisons de la vie.
« Le soin véritable ne promet pas d’éclat immédiat. Il permet de tenir, doucement, dans le temps. » — Kanfura
⌘ Pour aller plus loin
- UNESCO — Patrimoine culturel immatériel d’Éthiopie
- Encyclopaedia Britannica — Ethiopia: Culture and Daily Life
- Journal of Ethnopharmacology — Études sur les plantes de la Corne de l’Afrique
- FAO — Plantes oléagineuses traditionnelles d’Afrique de l’Est
Chez Kanfura, chaque plante raconte une histoire. Une histoire de soin, de beauté et de mémoire africaine.